Marlène TISSOT est venue au monde inopinément. A
cherché un bon bout de temps avant de découvrir qu'il n'y avait pas de mode d'emploi.
Sait dorénavant que c'est normal si elle n'y comprend rien à rien. Raconte des histoires depuis qu'elle a dix-ans-et-demi et
capture des images depuis qu'elle a eu de quoi s'acheter un appareil. Ne croit en rien, surtout pas en elle, mais
sait mettre un pied devant l'autre et se brosser les dents. Ecrira un jour l'odyssée du joueur de loto sur
fond de crise monétaire (en trois mille vers) mais préfère pour l'instant se consacrer à des
sujets un peu moins osés.
PS
: J'ai aussi un petit oiseau bleu, pas du genre qui palpite dans la cage
thoracique, mais du genre que je nourris assez peu, du genre qui fait un peu
ce qu'il veut, il n'est pas dans une cage et les fils à la patte, c'est pas mon truc... N'empêche, j'ai un
petit oiseau bleu.
Cet après-midi, le nez à la fenêtre, j'ai assisté au passage
d'un cheval en habit médiéval (peut-être annonçait-il l'arrivée
d'un prince ?). J'ai assisté à une course de trottinette entre
un papa punk et son petit vainqueur par forfait (Le papa,
n'ayant pas su négocier le virage au bas de la pente, s'est
retrouvé à manger l'asphalte en riant). J'ai assisté à une
dispute entre une vieille dame et son caniche, argumentant
chacun à leur tour ("Non, je ne suis pas d'accord, tu ne m'auras
pas aussi facilement", a dit la vieille dame. Mais je n'ai pas
compris ce qu'a répliqué l'animal). J'ai assisté à une demande
en mariage (en tout cas, ça y ressemblait, il y avait une bague
dans une petite boite et un genou posé au sol juste au pied du
château. Je me suis demandé si le jeune homme n'était pas le
prince annoncé un peu plus tôt par le cheval. Un prince en
blouson noir et boucle d'oreille, ça aurait eu de l'allure).
Plus tard, par une autre fenêtre, au-dessus des toits, j'ai vu
les lumières de camions de pompiers ou police (j'avoue ne pas
m'y connaître en gyrophares) et leurs lumières clignotantes se
confondaient avec celles en ruban du pont Aristide Briand sur la
Mayenne, leur faisant perdre toute forme de gravité, accéder à
une certaine sérénité étrangement macabre. J'ai vu aussi un
homme chargé d'un énorme sac de plumes blanches, des plumes
d'ailes d'ange peut-être, et je me suis demandé s'il revenait du
Marché des Lumières, Place de la Trémoille, à essayer de vendre
à prix raisonnable une forme factice de rédemption. Je me suis
demandé si j'aurais eu l'envie ou les moyens de lui acheter quoi
que ce soit, demandé si on avait tous conscience d'être
forcément moins bon qu'on ne le prétendait.
Vendredi 02 décembre 2016
Journal aléatoire #19
Finalement, ce n'est pas si difficile de
faire rire les gens, même quand on pleure en secret sur l'envers
des yeux. J'ai pensé à ces comédiens qui habitent parfois la
peau du personnage qu'ils jouent. Devoir jouer un rôle par
obligation professionnelle. Rencontrer des gens, des vrais,
doux, forts, fragiles, passionnants jusque dans leur discrétion.
Les écouter et finir, grâce à ce petit monde magnifique, par ne
plus entendre ce qui se passe en moi. Ne pas laisser la paix
s'échapper dans le silence. Reprendre l'écriture à peine
rentrée. D'autres voix pour empêcher le chaos de reprendre le
pouvoir en moi.
Jeudi 01 décembre 2016
Journal aléatoire #18
Est-ce qu'on peut être plusieurs personnes à l'intérieur
d'une même peau ?
Vivre des vies parallèles, même si virtuelles ?
Est-ce que c'est un peu ça, écrire ?
J'avoue que dans le foutoir de ma vie réelle, être plusieurs
dans ma tête est parfois d'un grand secours...
Mercredi 30 novembre 2016
Journal
aléatoire #17
Le soleil, encore, toute la journée. Le froid
de l’air et la chaleur humaine, plus douce que celle des
radiateurs électriques. Deux journalistes aujourd’hui, et j’en
sais sans doute plus d’elles qu’elles n’en savent de moi. Je me
dis que ça fait aussi partie de ma panoplie d’auteur. Que ça
fait partie de ma panoplie d’humain, surtout. J’aime écouter.
Les gens parlent lorsqu’ils se sentent en confiance, et je sais
les mettre en confiance. J’ai toujours préféré écouter.
Peut-être aussi que je ne sais jamais trop quoi dire.
Il n’est pas très tard mais la nuit est déjà bien installée.
L’envie d’une balade dans le Laval by night. Les illuminations
ont ce genre de beauté gracieuse qui apaise. La musique dans les
rues me donne l’impression d’être dans un film. Je marche en
rythme et redescends tranquillement les pentes vers
l’appartement où je vais reprendre l’écriture du roman qui
touche à sa fin, enfin.
Mardi 29 novembre 2016
Journal aléatoire #16
Hier soir, coup de téléphone d'un professeur
de lettres passionné/passionnant pour préparer l'intervention
que je vais faire dans sa classe. Demain, deux rendez-vous avec
des journalistes, à 11 heures puis à 15 heures. Broder des
réponses, jouer à l'auteur, me sentir engoncée dans cet
habit-là, mais cela fait partie de la résidence. Et les échanges
sont parfois si riches, étonnants, nourrissants, que j'aurais
tort de persisiter à faire l'ermite.
Lundi 28 novembre 2016
Journal aléatoire #15
Retrouver les grincements taquin du parquet,
sourire au bleu intense du ciel, mettre un peu d'eau à chauffer
dans la casserole pour le thé, réinvestir l'espace en douceur,
poser les livres, les bouteilles de vin à partager, passer voir
les filles de Lecture en Tête, affronter dignement le vent au pied du
château qui ne frissonne pas, allumer les petites lampes, la
bougie parfumée, augmenter un peu le chauffage, passer un
croque-monsieur au four, brancher l'ordinateur, sortir les
cahiers, les papiers, les notes en vrac, m'y remettre.
Dimanche 27 novembre 2016
L'humeur du dimanche : prendre des résolutions
Vendredi 25 novembre 2016
Collection Métèque présente : "soleil levant crépuscule de tout"
Une
superbe monographie sur le photographe Toshihiro Okada
accompagnée des textes de onze auteurs
Format
à l’Italienne 300*200mm
Papier Munken Artic volume paper, 150 grammes
Couverture brochée – Hard book
120 pages
Disponible dès aujourd'hui ! Plus d'info ici
Jeudi 17 novembre 2016
La
piscine
La Piscine revient
avec un deuxième numéro et c'est pas la saison ni les températures qui
vont nous empêcher d'y plonger ! Le sommaire est énorme et les surprises
vont être belles, crois-moi. Pour en savoir plus et précommander le
numéro, c'est par
ici. Aller viens, on se jette à l'eau !
Mardi 15 novembre 2016
Sauvage(s)
A ne pas manquer, ce
recueil collectif à paraitre bientôt chez
ONiva éditions, des histoires mordantes, des pages à rebrousse
poil et les superbes illustrations de Dorothée Richard. Fais pas
l'animal, fonce !
Toutes les infos ci-dessous :
Lundi 14 novembre 2016
J’emmerde le destin [new]
Finalement
Les coïncidences heureuses (ou pas)
Ne sont que des hasards comme les autres
Dimanche 6 novembre 2016
L'humeur du dimanche : Un jour + un jour + un jour + ...
Tu attends là,
presque docile, installée dans ta peau comme dans une petite salle
d’attente. Tu t’impatientes un peu, parfois. Tu regardes ta montre, tu
regardes les jours qui coulent comme des grains dans un sablier. Tu
attends là. Comme si quelqu’un allait venir te chercher, te prendre par
la main, t’appeler par ton prénom, te prévenir que c’est ton tour. Comme
si quelqu’un allait t’annoncer avec un sourire professionnel que ton
cœur et tes dents sont en parfait état, que c’est bon, tu peux vivre
maintenant ! Mais il n’y a ni rendez-vous à prendre ni permission à
demander lorsqu’il s’agit de vivre. Ouvre les portes, les fenêtres, les
bras, les yeux. Respire l’horizon, embrasse l’aube, bois le ciel et
colorie la mer. Navigue, va aussi loin que possible, même immobile.
Escalade tes rêves et écoute le vent. Il reste tellement à faire avant
qu’un jour décide, sur un coup de tête, de devenir ton dernier.
Vendredi 28 octobre 2016
Nuage
Un cloud réalisé ICI avec
l'ensemble de mes textes de la série "Un jour, j'ai pas dormi de la
nuit"
RQ: En dehors de l'esthétisme de l'objet, la visualisation
graphique de la fréquence d'usage des mots peut s'avérer utile en phase
de relecture. La chronique d'un de mes recueils paru l'an dernier avait
pointé du doigt le fait que le mot "rêve" revenait souvent. Sans cette
chronique, je n'en aurais pas pris conscience. C'était sans doute un
choix inconscient, c'était peut-être également une maladresse, ou une
répétition que j'aurais tempérée si je l'avais remarquée plus tôt...
C'est
pas pour toi que j'écris
Ce toi planqué en moi depuis tout ce temps
Un toi chair dans ma chair
Ce n'est ni pour toi ni contre toi
Peut-être un peu contre toi, c'est vrai
Tu sais qu'il m'arrive de t'en vouloir
D'avoir tenté de me protéger
En forçant le silence dans ma mémoire
Mais il m'arrive aussi de te sentir trembler
Sous le poids des souvenirs
Et d'avoir envie de t'aider à mon tour
[Extrait de "Amnésies", recueil en cours]
Retour au point
Final
De départ
Je ne comprends pas
Vraiment pourquoi
On parle de
Nouveau départ
Alors que
Chaque départ
Est nouveau
Du premier
Au dernier
La vie est
Un peu comme
Un long texte
En prose avec
Des points et
Des majuscules et
J’ai parfois
La sensation
Etrange
D’habiter
L’espace étroit
Entre les deux
Dernier jour de la première période de résidence à Laval. Le
temps a pris son temps, mais il a vite passé, pourtant. Chargé
et paisible à la fois. Je suis arrivée sous un grand ciel bleu
et repartirai sous la pluie. Après le thé du premier jour, le
café du départ. Bientôt l'heure du train de retour et j'ai
presque déjà hâte de revenir. [La suite à partir du 28 novembre]
Peut-être qu’il faudrait parler et écrire,
non pas avec juste des mots, mais avec le jus de notre propre
viande, avec le suc de nos os brisés, parfois mal recollés.
Parler et écrire avec l’arrondi des sourires. Utiliser tout
notre pouvoir pour aider le mot à dépasser sa propre frontière.
Peut-être qu’il faudrait écouter et lire encore plus fort que
ça. Au-delà du mot.
De retour d’un
atelier d’écriture, je vais acheter deux-trois bricoles à l’Intermarché
du centre. Devant moi, un type et ses trois bouteilles de vin. Cinq
euros trente-cinq, lui dit la caissière. Il glisse sa carte dans le
lecteur et ça ne marche pas. Ses mains tremblent. J’ai dû faire une
erreur, il dit, puis il recommence. Ça ne marche pas. La caissière
prends un air agacé et le type tremble de plus en plus, dit qu’il va
payer en liquide, panique, n’a qu’un billet de cinq euros, fouille dans
ses poches. Les gens s’impatientent et soupirent. Je lui tends trente-cinq
centimes en me demandant qui je soulage et si
vraiment je fais le bon geste. Est-ce une bonne chose de faciliter
l’alcoolisme évident de cet homme ? De tenter d’apaiser l’agacement de
la caissière et l'impatience des clients ? Je ne sais pas. Mais dans l’urgence de la
non réflexion, ça m’a simplement semblé le geste le plus humain.
En regardant une vidéo datant de mon premier passage par Laval en 2013,
je réalise qu’il y a trois ans, j’avais déjà entamé l'écriture de ce
deuxième roman. « Les voix ». J’avais déjà une idée de ce qu’il
deviendrait, mais pas une idée complète. D’ailleurs, puisqu’il n’est pas
terminé, je sais qu’il peut encore me réserver des surprises. Je sais
aussi qu’il peut ne jamais exister, je veux dire, jamais exister
ailleurs que dans mes cahiers. Tout dépendra d’un éventuel éditeur.
Ecrire est une chose. Défendre son travail, chercher à le « vendre »
comme une paire de chaussure ou un sachet de coquillettes en est une
autre. Je n’ai jamais été très douée dans ce domaine. Et, finalement, ce
n’est pas ce détail qui freine mes gestes. J’écris. Quoi qu’il arrive.
Envers et contre toute forme de bon sens, peut-être.
Dans un moment de
lucidité féroce, un de ces instants que je n’aime pas – Trop froids.
Blancs et rigides, comme l’intérieur d’un hôpital – je me dis que je
n’ai pas une vie, mais au moins trois en moi. Ma vie privée que peu de
gens connaissent vraiment, et surtout pas ses travers. Ma vie d’auteur,
il faut bien y faire face durant une résidence d’écriture. Et ma vie
virtuelle, celle dans laquelle je ne suis que le porteur des paroles des
personnages qui m’habitent. S’ajoutent à ça les rêves, les espoirs, les
peurs et les vieux démons. Qui se nourrit de quoi ? Je n’ai pas de
réponse. Chaque jour est le premier jour du reste de ta vie, ils
disent. J'ignore quand tout ça s’arrêtera, mais je ne suis pas pressée.
La cloche sonne. Un
coup chaque quart d’heure. Quatre coups à heure pile. Quatre coup d’on
ne sait quelle heure au juste, si ce n’est en observant baisser le
soleil. Une manière de mesurer le débit du temps. Ce dernier quart
d’heure, j’ai écrit à peine plus de deux phrases. Une chance – ou pas –
me dis-je, que les auteurs ne soient pas payés au temps de travail.
Parfois même pas payés du tout. Il faut foutrement aimer ça, je veux
dire jusqu'au plus profond de sa chair, pour passer autant de temps à
inventer des histoires qui ne mèneront peut-être nulle part, pas même
jusqu’aux pages d’un livre. Un peu comme une petite manière de devenir
parent, mettre des enfants au monde, rêver pour eux d'une vie douce sans
la moindre assurance qu'on saura les y mener.
J’ai la gestation littéraire plus longue que la gestation maternelle, et
dans un cas comme dans l’autre, je me sens paumée, impuissante. Je doute
souvent. Très souvent. Mais je persiste à tenter de donner le meilleur
de ce qui m’habite. Beaucoup d’amour et d’honnêteté. Sans être jamais
certaine de rien. On ne fait tous qu'improviser, quelle que soit
l'énergie qui nous pousse.
Treize heure trente.
Je me sers un deuxième café. Besoin d’une pose dans l’écriture. J’ouvre
la fenêtre de la cuisine. Courant d’air frais. Une adolescente passe,
des papiers à la main et un sac sur le dos. Elle récite, révise à voix
haute, se colle deux gifles et reprend sa lecture en haussant un peu le
ton. L’envie de descendre dans la rue et la prendre dans mes bras. La
rassurer, tout va bien se passer. Et ce serait peut-être un mensonge.
Parfois les choses se passent mal. Mais elles se passent. Elles passent.
Pour rien au monde je ne voudrais retourner à l’âge de cette jeune
fille. Heureusement, les choses sont bien faites, on avance, on ne fait
qu’avancer. Le passé, on n’y remet les pieds que virtuellement, et c’est
déjà bien assez.
J’arrose l’orchidée qu’on m’a offerte samedi à la bibliothèque de
Fougerolles du Plessis. Je l’ai déplacée. Plus près de la fenêtre. Elle
aussi, elle aime regarder ce qu’il se passe dans la rue. Quasiment pas
mis le nez dehors aujourd’hui. Juste le temps de respirer un peu l’air
frais, observer les jets d’eau sur la Mayenne et prendre quelques murs
de la ville en photo. Je crois que le dehors entre suffisamment en moi
pour que je ne ressente pas le besoin d’aller à sa recherche. Le dehors
vrai, mais aussi le dehors fictif qui m’habite, me submerge parfois. Je
reste à l’écoute de l’un comme de l’autre. Nous avançons ensemble, et
peu importe où cela mènera.
A peine une semaine
et j’ai déjà mes habitudes ici. Mes repères.
Punaisé au-dessus de la table de "travail", un portrait signé SOFI. Pas
tout à fait un portrait. Juste la partie supérieure d’un visage. Un
regard. Probablement celui de Makenzy. En tout cas, ça lui ressemble. Le
dessin trainait, affalé sur le manteau de la cheminée, quand je suis
arrivée. Maintenant, il veille sur moi. Sofi, Makenzy. Des présences, un
regard. Juste ce qu’il faut pour tempérer, par instant, la solitude dont
j’ai besoin.
Le samedi s’éteint
doucement. Des petites lumières dans l’appartement, pas de plafonnier,
je n’aime pas. Trop blafard, trop cru. Tout à l’heure, une jeune femme
aux cheveux verts est passée dans la rue avec sa guitare. Elle jouait et
chantait en marchant tranquillement. J’ai ouvert la fenêtre pour
l’écouter. Pas longtemps. L’air est frais, ici. Hier soir, très tard, un
type ivre s’est arrêté pour pisser au pied du château, puis il est
reparti en tanguant dangereusement. Je regarde souvent par la fenêtre.
Pas l’habitude d’une vie en centre ville. C’est étrange, amusant,
inspirant. J’observe sans prendre part. Ça me suffit. La solitude n’est
pas une maladie honteuse – ou quelque chose dans le genre, disait
Thiéfaine. Pourtant, les gens trouvent ça triste, en général. Je ne me
sens pas seule. Juste ce qu’il faut de contact humain. Et puis Mary et
Franck me tiennent compagnie, me racontent leur histoire. Je les écoute,
les écris. Un jour, peut-être, ils vivront leur vie de papier.
Des barrières ont
été installées en fin de journée. Maintenant, je sais pourquoi. Ils
déboulent dans la pente depuis la place de la Tremoile, en gilet fluos,
une lampe accrochée au front, le martellement de leurs pas et les cris
de ceux qui les encouragent. Il fait nuit. Je les observe par la
fenêtre. Les coureurs en file indienne comme une longue guirlande
cavalant au travers de la ville. Des voix dans un micro, quelque part,
là-haut. Un brouhaha festif. J’ignore ce qui se trame, mais le spectacle
est étrangement beau. Un fumeur accoudé à la fenêtre d'en face me fait
signe. Je lui fais signe. Les choses sont douces et lumineuses. Je n’en
demande pas plus.
Les jours défilent
étrangement vite. Visite de Marianne Desroziers, une amie auteure,
aujourd'hui. Une salade improvisée, la mozzarella qui colle aux doigts,
le parquet de l'appartement qui grince, le ciel clément, les balades
dans les pentes du vieux Laval et des discussions légères et profondes.
L'ordinaire, ses douleurs et ses petites joies nous concernent tous, tu
sais. Marianne m'a accompagnée à la bibliothèque pour préparer mon
blabla de dimanche sur le thème "les livres et le rock". J'écoute Nick
Cave. Impossible de ne pas penser à son gamin mort, tombé des falaises
de Brighton. Je parlerai, ce week end, de son bouquin "La mort de Bunny
Monroe" qui se passe également à Brigthon. Douleur au ventre. Parfois,
je me demande ce qui nous pousse à inventer des histoires, à en écrire,
alors qu'elles sont ici, partout, dans le terreau fertile de la
réalité. Je vais retourner à mon roman, pourtant. Il y a des forces
invisibles contre lesquelles il est difficile de lutter.
Un grand ciel bleu
toute la journée. Je suis montée, pente raide depuis l'appartement,
jusqu'à la place de la Tremoile, au dessus du château. Je cherchais la
rue dans laquelle se trouve un bar clandestin où j'étais allée en avril
dernier avec toute la bande du festival. Makenzy m'avait raccompagnée au
milieu de la nuit jusqu'à l'hôtel, jalonnant le parcours de commentaires.
"Une épicerie ouverte presque toute la nuit, ça te sera utile pendant la
résidence ! Radio France Bleue où on te fera venir tôt, beaucoup trop
tôt le matin pour te poser des questions parfois un peu cons... Un bar
sympa, là, au bout de la rue. Tu te rappelleras?" Non, je ne me rappelle
pas tout, sauf que cette nuit là était particulièrement douce et qu'elle
semblait éternelle. Je n'ai pas retrouvé "Chez Valérie", le bar clando,
mais un chat tigré est venu me caresser les chevilles. On a bavardé un
moment en silence puis je suis rentrée, j'ai mis la musique un peu fort
et ai repris le travail sur "Les voix". Le roman prend forme, semble un
peu plus docile, me laisse le modeler, le sculpter. Il me hante aussi un
peu. Les nuits sont courtes, mais je me fais réveiller en douceur le
matin par les pigeons qui viennent cancaner sur le rebord de
ma lucarne.
C’est peut-être les deux étages sous mon
plancher nouveau, les pentes de la ville, descendre là, monter
ici. Oh, pas très vite, c’est le rythme qui me suit, pour une
fois, pas le contraire. C’est peut-être les quelques mouettes
égarées, même si la mer n’est pas tout près, ou le soleil qui entre
en biais dans la grande pièce en fin de journée, la Mayenne qui
coupe la cité en deux comme une artère paisiblement vitale.
C’est peut-être le silence fait de mille petits bruits inconnus,
la solitude douce, la musique à grand volume parfois
dans le vide du vaste appartement. C’est peut-être moi qui penche,
imperceptiblement, avec au creux du ventre la sensation que c’est du bon
côté.
Laval. Premier jour de résidence. Chercher
les repères. Noyer les doutes dans un verre de thé. Me dire
qu'étrangement, certains débuts coincident avec des fins. Me
faire une raison. Rester aussi calme que possible dans la gueule
de ma tempête personnelle. Fouiller les poches du temps pour y dénicher les
surprises qu'il me réserve forcément. Ne pas chercher à
accélérer le mouvement. Tout vient à point à qui sait apprendre
de ses douleurs. Rue du Val de Mayenne. A deux pas, un pont, et
l'eau qui coule toujours au-dessous. J'y crache mes aigreurs et
repars plus légère. Au deuxième étage de l'immeuble vide, une
lampe discète et un roman à finir d'écrire m'attendent.
Je ne
donne pas corps
à mes rêves
je laisse les rêves
prendre possession
de mon corps
Vendredi 30 septembre 2016
Mot
barré #56
Lundi 26 septembre 2016
Revue La Piscine
Voilà,
le sommaire du prochain numéro de
La Piscine est annoncée et j'ai une joie folle de m'y trouver en
fort belle compagnie ! Ce sera sur le thème "L'âme des lieux sans âmes"
et on t'en dévoile un peu plus par ici :
Dimanche 25 septembre 2016
L'humeur du dimanche : Poétique
De retour de
Matheysine où je participais à la deuxième édition de "Poésie
en Matheysine", je reviens avec un rhume, le souvenir d'une
araignée énorme, le goût des croissants au beurre, la voix des
poètes, les regards complices, la créativité des enfants et quelques
bouquins déjà bien picorés dont l'unique (pour l'instant) traduction
disponible à ce jour d'un recueil de Billy Childish (que je
convoitais déjà depuis un bout de temps - le recueil, pas Billy -
quoique...)
On le
trouve aux éditions
Gros Textes, et si tu te demandes encore qui est ce Billy
Childish, vas voir ce que j'en dis par
ICI
Samedi 24 septembre 2016
J'emmerde l'affrontement [new]
Dans le
face à face
souvent je fais
profil bas
Jeudi 15 septembre 2016
Magic Trick
Ma
petite chronique de l'album "Other man's blues" à lire chez
Casbah Records
Dimanche 11 septembre 2016
L'humeur du dimanche : Ce qui se cache dessous
[Image Yuli Serfaty]
Vendredi 9 septembre 2016
Mot
barré #55
Mercredi 7 septembre 2016
Amnésie(s)
Souvenirs de peu
Souvenirs de guère
Les images à demi effacées
De quelques timides combats
A âmes inégales
Je n’étais pas de taille à lutter
[Extrait de "Amnésie(s)", en cours]
Mardi 6 septembre 2016
Une
histoire de timing ?
Le
choix
Des mots
Ment
Lundi 5 septembre 2016
Des
trucs à lire ici ou là, bientôt ou un peu plus tard
Quelques sommaires dans lesquels tu me trouveras
Fanzine "Violence"
créé et dirigé par Luna Beretta
Une soirée de lancement est prévue le 30 septembre (plus d'infos
bientôt)
N°105 de la revue d'artLe Sabordsur le thème "L'aube"
Collection Métèque qui fait son entrée en scène avec les
superbes photos de Toshihiro Okada
Une chronique du dernier album de Magic Trick "Other man's
blues" à lire bientôt chez
Casbah Records
Et celle qu'on attend impatiemment, La Grosse, avec
Christophe Siébert aux manettes, "Mille pages de littérature et
de dessin malpolis. Un kilo d'underground taillé comme une brique -
ou comme un pavé dans la mare du bon goût." Mais pour ça, faudra
attendre 2017!
Et d'autres choses encore sont probablement à venir, je t'en parle bientôt...
Dimanche 4 septembre 2016
L'humeur du dimanche : Puiser l'énergie à sa source
Mercredi 31 août 2016
Ici
et là, bientôt
Les 24
et 25 septembre, je serai en Matheysine
(du côté de Grenoble)
Puis
début octobre, je file en résidence à Laval avec l'association
Lecture en tête
Et les
22 et 23 octobre, je serai dans le Luberon pour la 2eme édition de
Poésie Nomade
Alors
si tu es dans les parages, n'hésite pas à venir me faire signe ! Et si ce
n'est pas le cas, ne t'en fais pas, je continuerai, autant que possible,
de nourrir le nuage !
Mardi 30 août 2016
Identique
Non, on
ne part pas pour mieux revenir
Ni pour revenir mieux
On part pour s'en aller réellement
Et quitter des lieux, des personnes,
Des souvenirs toxiques
On part pour tenter de survivre
Et on a parfois la chance
De pouvoir résister à la tentation
De revenir
Identique
Dans l'identique
Dimanche 28 août 2016
L'humeur du dimanche : La légèreté
"Plus je vieillis et plus je trouve qu'on ne peut vivre
qu'avec les êtres qui vous libèrent et qui vous aiment d'une affection
aussi légère à porter que forte à éprouver."
[Albert Camus,17 septembre 1957 - in Albert Camus, René Char.
Correspondance 1946-1959]
Samedi 27 août 2016
Mot
barré #54
Vendredi 26 août 2016
Il
disait
Il
disait qu'il m'aimait
Je me souviens des mots, pas de la voix
Il le disait après, d'un air un peu triste
Jamais avant
Avant, il était comme enragé
Un animal affamé et, ma peau
Il disait qu'elle sentait tellement bon
Il le disait avant
Je me souviens des mots, pas de la voix
[Extrait de "Amnésie(s)", en cours]
Ouvre les yeux
Respire
Redresse-toi
Attrape-toi par le colbac s’il le faut
Te laisse pas tomber
Regarde
REGARDE
Ailleurs
De l’autre côté, vers l’extérieur
Le monde est plus grand que ces univers en guerre sous ta peau
Tu n’es pas une fin en soi
Tu n’es pas une fin
Ni un début
A peine un épisode
(un peu raté)
Ecris la suite
Invente-toi
Crée quelque chose au lieu de te détruire
Rien ne pourra être recommencé
Tout reste à faire même si c’est pas grand-chose
Même si c’est juste peindre les culottes de grand-mère étendues dans le
jardin voisin
Même si c’est juste recomposer la mélodie du silence
Est-ce que ce sont les langues
Qui se trompent
De mot ?
De sens de rotation ?
Tu tires sur l’instant pour l’allonger
Et il te claque entre les doigts
L’important, c’est pas la liberté dont on se prive
Mais celle qu’on ravale comme une fierté empoisonnée
Et dans la nuit des corps absents
Tu cherches l’endroit de la blessure
Tu sutures les peaux mortes
Mais l'ombre continue de saigner sur la lumière
Si j’étais moi, je veux dire un moi entier, sans les trous noirs dans la
galaxie de mon crâne, je pourrais raconter l’histoire en entier, ton
histoire mienne, mon passé tien que je ne maîtrise pas, ces univers
blessés, les comètes, les planètes invisibles, les météorites, les
cicatrices qu’elles ont laissé en forme de cratères, si j’étais un moi
entier avec une mémoire entière, je pourrais être un univers, je
pourrais être autre chose qu’une poussière de vie en suspension dans le
néant.
Je déshabille le monstre en moi
La lumière me traverse comme un flacon
Et révèle la liqueur sous ma peau
J’ai la nostalgie de ce qui n’arrivera jamais
L’ailleurs est partout
Sauf ici
Et je reste plantée
Comme un arbre mort sans le savoir
On
colle des mots sur les choses
les instants
sur tout ce à quoi on cherche à
donner une forme compréhensible
contrôlable
mais il y a tellement de choses
d'instants
qu'aucun mot
aucune règle
ne saura jamais dire
Dimanche 31 juillet 2016
L'humeur du dimanche : Trouver le courage de rêver encore
[Londres mai 2016, photo Marlene T, affiche by Donk!]
Un jour, j’ai pas dormi de la nuit
Le corps à terre et la tête en orbite
Communication coupée
Apesanteur
Voyage dans la galaxie d’une éternité provisoire
La nacre des questions jamais posées
Hors de portée de l’injonction à l’obsession
Ne pas accorder le complément d’abject avec la peur
Le business de l’amour ne fait plus recette
La haine se vend par paquet de douze, comme les rouleaux de pq
Un jour, j’ai pas dormi de la nuit
Le risque d’intempérie qui torpille les torpeurs
La chute est fragile mais les reins sont solides
J’avoue, j’ai tué
Eventré le sens de la réalité
Etranglé mes sentiments
Décapité mes lâchetés
La socio-logistique, hangars pleins, regards vides
Gestion maladroite des stocks d’options
Il n’y a pas que vu du ciel que l’Homme est minuscule
Un jour, j’ai pas dormi de la nuit
Embouteillages sur l’autoroute du sommeil
Pas d’aire de repos en vue
Les endorphines aphones
Et le silence incapable d’absorber mes peines de corps
J’hésitais entre épouvante et émerveillement
Le chagrin à géométrie variable
La mélancolie fade de ce qu’on a cru beau
Comme un ciel ordinaire à travers des vitraux
L’étrange n’est pas toujours surprenant
Un jour, j’ai pas dormi de la nuit
Perdue dans la traque frénétique de l’instant
Qui à lui seul vaudra d’avoir vécu
Et qu’est-ce qu’on en sait, au fond
S’il n’en viendra pas de meilleurs ?
A quoi bon dissoudre les restes d’espoir ?
Se laisser contaminer par la médiocrité ?
On ne parle pas assez de la paresse des machines
Ni de notre lente métamorphose
Face à ceux qui domptent les rêves comme des animaux dociles
Je
milite activement
pour la réhabilitation
du mensonge par omission
Jeudi 21 juillet 2016
En
attendant la fin de l’histoire sans fin
Le choc des soirs
Le poids des matins
L’écho des fureurs contre la paroi blanche des nuits
Construire un mur autour
L’articulation ne résout rien quand les mots sont prisonniers
J’écoute le bourdonnement d'un récit sans fin parce que jamais raconté
Il doit bien exister un moyen de crever la peau du passé
Mardi 19 juillet 2016
J'emmerde les calculs inutiles [new]
Et si
les petits riens
Mis bout à bout
Faisaient un grand tout ?
Dimanche 17 juillet 2016
L'humeur du dimanche : un peu perdue
Jeudi 14 juillet 2016
J’emmerde l’ordre des choses [new]
Est-ce qu’il y a des larmes
qu’on mérite de
pleurer ?
Un jour, j’ai pas dormi de la nuit
Ça devient vite assommant, un spectacle ni-son-ni-lumière
L’horizon chauve d’une lune à zéro
Les nuances et les dégradés
L’intendance sentimentale
Le charme discret des valises sous les yeux
J’ai des bagages pleins de rêves
Mais aucun lieu de villégiature où les déposer
Je prête à confusion
J’emprunte à profusion
Je bosse en sous-marin à la cour des contes de fée
Un jour, j’ai pas dormi de la nuit
Pas besoin de mobile valable pour tuer le temps
On est tous un peu rat de laboratoire sans le savoir
Imbroglios, subterfuges
Et tout ce qui favorise la croissance rapide du mépris
Les gestes mécaniques rouillés
Le porno chic, l’érotisme égotique
On confond parfois les reliefs de l’usure avec le paysage
Un jour, j’ai pas dormi de la nuit
La quête d’absolu en perdition
Je dilapidais mes derniers alibis
Le tassement imperceptible du refus
La fonte du corps défendant
Il arrive un moment où il faut affronter la canicule
Plus-très-vierge ascendant ex-frigide
J’ai l’oasis à sec
Le terrain qui divague
S’il te plait, déride-moi l’aride
Un jour, j’ai pas dormi de la nuit
Je graduais l’intervalle entre la douleur et l’extase
Le plafond placide assistait au va et vient du rien
La métaphore de l’effort vain
La taille des attributs du sujet
Disséquer l’instant sans comprendre l’anatomie du plaisir
Ne me claudique pas le cœur
Contente-toi de me trébucher la peau
Epingle-moi le virage dangereux
Je voudrais goûter au vacarme de la collision
Dimanche 10 juillet 2016
L'humeur du dimanche : Choisir
"L'important ce n'est pas ce qu'on
a fait de moi,
mais ce que je fais aujourd'hui avec
ce qu'on a fait de moi" Jean-Paul Sartre
Un jour, j’ai pas dormi de la nuit
Par chance, j’avais pas d’impératifs matinaux
Plus on cherche à m’orienter professionnellement
Plus je perds le nord au quotidien
Pas facile d’être aussi convertible qu’un canapé
C’est pas le manque d’ambition
Ni la nécessité d’aboutir à
Juste l’horizon qui recule à mesure que j’avance
Qu’est-ce que tu deviens ? C’est quoi tes projets ?
Les questions en conserve, sous vide de sens
Ça dépend, tu veux une réponse aseptisée ?
Un jour, j’ai pas dormi de la nuit
A défaut d’autre chose, je résumais les hypothèses
Je testais le principe d’inertie
Y a pas de mal à tenter d’apprivoiser l’immédiat
Un quiproquo est si vite arrivé
Les pilules à gober, le sirop contre tout
La puissance de l’industrie pharmaceutique
L’éthique du narcoleptique
Il y en a des qu’on n’endort pas si facilement
De la théorie à la pratique
C’est surtout le désespoir qui pousse à croire
Un jour, j’ai pas dormi de la nuit
Ma peau nue en guise de tenue de gala
J’ai imaginé un tapis rouge, une caméra
Remonter le drap sur mon cul, par pudeur
Couchée en chien de fusil
Brandir un flingue factice, mimer la scène, pan !
Jamais été très douée pour simuler la mort
La vie non plus, d’ailleurs
Un jour, j’ai pas dormi de la nuit
L’envie de me mettre au rouge
Le vert, c’est surfait
Sublimer chimiquement la douleur, m'évaporer
Lutter contre le cumul des tumultes
Et la détresse des cheveux qui évitent la caresse
J’ai fait voeux de brièveté
Pas certaine d’être exaucée
Un jour, j’ai pas dormi de la nuit
Cartes écarlates, tarot taré
Je préfère prédire mon avenir à la force du poignet
T’en fais pas, tout n’est jamais que provisoire
La taille des sexes, la durée de l’amour, on s’en fout
En électricité, ce qui compte, c’est pas la tension
C’est l’intensité
Coucher le soleil et le border
Tromper la lune
Brancher mon corps à la prise cardiaque
Un jour, j’ai pas dormi de la nuit
Transe, présage, fétiche
Choisis ton arme
Consumons nous à outrance
Pyromanipulation, laser-épilation
Le définitif a son charme en période de crise
Soyons impénitent du spectacle amoureux
Une grande balafre en forme de sourire
Je me trouverai belle un jour
Quand les miroirs auront des dents
Un jour, j’ai pas dormi de la nuit
Le présent en retard, timing aléatoire
Timidité d’un ciel pas encore né
Une scène hors champ, hors temps, hors propos
Je suis hors de moi, trop souvent
Et parfois, ça coute chair
Esquiver l’estival
Galvauder tes regards pour ne pas m’y abîmer
Le corps sage sous le chemisier
Un jour, j’ai pas dormi de la nuit
La dévastitude du champ des possibles
Accoucher de cinq fruits et légumes de mes entrailles
L’arroseur arrosoir
Ecosser les petits poids sur la conscience
Du jus d’orage au coin des lèvres
Ta part d’innocence, mon surcroit d’ignorance
Cerner la lumière au-delà de l’écran totalitaire
Il y en aura toujours pour posséder le talent de
Réinventer la guerre