


















 |
La
jeunesse (1756-1778) : Le miracle
Wolfgang manifeste dès l’âge de trois ans une faculté de
concentration exceptionnelle, mémoire étonnante et une
justesse absolue d’oreille : un de ses amusements consiste à "chercher
les notes qui s'aiment" sur le clavecin de sa soeur. Son père,
Léopold (1719-1787), sévère mais excellent pédagogue musical,
entreprend dès lors son instruction. On lui a reproché d’avoir exercé sur
son fils une influence conservatrice et retardatrice ; mais Wolfgang
sut faire la part de l’étroitesse d’esprit et celle de la solidité du
métier.
En 1762, Wolfgang vient d'avoir 6 ans et Andreas Schachtner se
souvient :
Il était occupé à écrire. Son père: "Que fais tu là?" "Un concerto
pour clavecin; je vais bientôt avoir achevé la première partie."
Léopold examine les feuillets et doit se rendre à l'évidence : son fils
porte en lui un véritable don pour la musique!
Il décide alors d'entreprendre, avec son fils et sa fille Maria Anna,
des
tournées (Cliquez
pour avoir le détail des voyages de Wolfgang)
où les enfants prodiges seront exhibés (ne pas oublier que Nannerl était
une jeune virtuose au clavier!), au risque d’exposer Wolfgang,
entre sa septième et sa onzième année, aux fatigues et aux maladies de
voyages lointains. Ces expéditions se retournent d’ailleurs partiellement
contre le père, car l’enfant y trouve l’occasion de capter des influences
qui n’agréent pas à son mentor et qu’il n’aurait pas connues si tôt s’il
était resté à Salzbourg.
Une première tournée (1762) mène Wolfgang à Munich et à la cour impériale
de Vienne. Mais c’est la deuxième qui est la plus importante : elle dure
trois ans (1763-1766) et les fait passer l’Allemagne occidentale,
Mannheim, Francfort (où il fait l’admiration de Goethe), Bruxelles,
Paris (où il joue devant la Cour), Londres. La Haye, Amsterdam, Lyon,
Genève.

Cette peinture en dit long sur la façon d'écouter la musique dans les salons de
la haute bourgeoisie. Chacun s'affaire, prend le thé, bavarde ou mange, sans prêter plus
d'attention que cela au jeune Wolfgang...
Ce voyage fut capital pour la suite, parce que, dés lâge de huit ans, Mozart fait
la découverte de deux musiciens qui le marqueront pour toujours : Johann Schobert
(1735 env. 1767) à Paris, Jean-Chétien Bach (1735-1782) à Londres. Grâce au
premier séveillent à la fois en lui le sens de la tendresse mêlée à
lintensité pathétique et celui de la poésie musicale. Par le second (fils cadet
de Jean-Sébastien), cest paradoxalement en allant vers le Nord quil entre en
contact avec la chaleur ensoleillée du Midi italien.
De retour dans son Autriche natale, il simprègne de lesprit musical, à la
fois sérieux et gemütlich de lAllemagne du Sud, représenté par Joseph Haydn,
son aîné de vingt-quatre ans, quil découvre lors de quelques séjours à Vienne.
Il lui fallait dorer sa palette musicale au soleil du Midi, et cest un point à
mettre à lactif de son père que de lavoir envoyé à trois reprises en
Italie : 1769-1770, 1771, 1772-1773. Pendant cette période, il se plonge,
alternativement, dans la musicalité chantante mais superficielle de lopéra italien
dalors et dans la sensibilité autrichienne. Ce quil retire de plus précieux
de ce contact avec lItalie, cest, grâce au padre Martini qui le fait
travailler à Bologne (1770), lart de la mélodicité polyphonique puisé à la
tradition des anciens maîtres du contrepoint chantant. Jusquau terme de sa
carrière, Mozart restera dès lors un maître incontesté, surtout dans les ensembles
dopéras, de la science de la polyphonie vocale.
Il résulte de son dernier voyage en Italie une crise "romantique" (le courant
Sturm und Drang annonce le début du courant Romantique à venir) où Mozart, alors âgé
de dix-sept ans, produit de purs chefs-doeuvre : les quatuors milanais
à cordes, K.155
à 160, et la trilogie symphonique de lhiver 1773, K 200, 183
et 201, qui consacrent la synthèse du Nord et du Midi.
Ensuite, pendant quatre ans, il s’adonne à la
"galanterie" musicale. On désigne par là une forme musicale mal
définie,
intermédiaire entre la puissante structure baroque qui est abandonnée et le nouveau
langage thématique qui sélabore (surtout grâce à Joseph Haydn) ; la galanterie
tire son agrément de lenrubannement rococo de mélodies flottant sur un
accompagnement daccords rompus. Certains ont reproché à Mozart de sêtre
laissé aller à la facilité en adoptant ce style décoratif pour complaire à
laristocratie salzbourgeoise : sérénades, divertissements, sonates salonnières
pour le piano. En réalité, Mozart comme tout autre musicien de l'époque devait, pour
rester populaire, se soumettre aux courants de la mode ou il courait le
risque de ne plus se voir commander d'oeuvres. Malgré tout, de nombreuses pièces
écrites par Wolfgang à cette époque dénotent d'un certain rejet de la galanterie pure
qu'il a finalement réussi à dompter sans heurter l'oreille du public des salons de
l'époque ! La galanterie affleure déjà les concertos pour violon (1775), et surtout
elle fleurit à pleines corolles dans la merveilleuse année 1776, celle où le maître a
vingt ans. Si de telles oeuvres faisaient défaut, il manquerait quelque chose
dimportant dans loeuvre de Mozart. Et cest lannée suivante (1777)
quil créera son premier chef doeuvre dans la lignée des grands
concertos pour le piano, le bouleversant K 271 en mi bémol majeur.
De septembre 1777 à janvier 1779, cest le grand voyage à Paris. Il part,
accompagné seulement de sa mère, et laventure sera très décevante sur le plan du
sentiment (son amour déçu pour Aloisia Weber), de la famille (sa mère meurt à Paris)
et de sa carrière (il est évincé des milieux musicaux de la capitale et lâché par le
baron Grimm, son protecteur). Par contre, sur le plan musical, ce voyage sera très
fructueux : à laller, il sarrête longuement à Mannheim où il découvre les
puissances expressives de lorchestration romantique moderne. A Paris, lui qui depuis
toujours est hanté par le désir décrire des opéras, il tombe en plein dans la
lutte entre piccinistes et gluckistes ; mais il ne sy engage pas parce quil
prend déjà conscience du style de théâtre musical qui sera le sien. Par-dessus tout,
ce séjour à Paris aura une importance capitale du fait que Mozart capte lesprit
français, sans en retenir la sécheresse, le goût de la pudeur, l élégance et de
la concision. Il aura dès lors plus que jamais horreur de la longueur et de
lemphase oratoire (ce quil appelle le "goût long des Allemands").
A présent, son assise est bien solide, tripartite ; il devient le musicien européen par
excellence, capable de réaliser la synthèse des langages allemand, italien et français,
dont il peut user, comme en se jouant, en y mettant sa propre touche.

La Maturité (1779-1788) : Besoin d'indépendance
Cette période peut être divisée en deux autre
périodes (cf
Jean-victor Hocquard):
La Maturation, de son retour de Paris (1779) jusqu'à sa
découverte de JS Bach (1782) C'est durant cette période qu'intervient la
rupture avec l'archevêque de Salzbourg (1781) puis le départ pour Vienne
et, enfin, le mariage avec Constanze (1782).
Vient ensuite la période de pleine maturité du musicien, dès la
composition des quatuors dédiés à Haydn, jusqu'à la symphonie Jupiter
(1788)
Dès 1779, pendant trois ans, il pose les bases de son évolution future : concertos pour le
piano, sonates pour violon et piano, sérénades qui font craquer les limites galantes du
genre. Tout cela aboutit à un chef-doeuvre dramatique qui, en dépit de la forme
désuète de lopéra séria, offre les prémices de tout son art lyrique et
symphonique : lIdoménée (Munich, 29 janvier 1781). En mai, il rompt, après
des scènes affligeantes, avec son employeur, larchevêque Colloredo, et
sinstalle, sans ressources et sans situation, à Vienne. Et l'on retiendra notamment
son départ fracassant sous le coup de pied du comte Arco que sa fierté individuelle ne
digèrera jamais. En témoigne cette lettre du 20 juin 1781 ou il dit :
" Le coeur ennoblit l'homme; et si je ne suis certes pas comte, j'ai
peut-être bien plus d'honneur en moi que bien des comtes; et valet ou comte, celui qui
m'insulte est une canaille."
Son père désapprouve cette rébellion envers l'archevêque et prend plus mal encore les
fiançailles de Wolfgang avec Constanze Weber, quil estime indigne de lui. Mozart
passera outre et lépousera le 3 août 1782
Un problème se pose alors au Maître : comment gagner la plus vaste audience possible,
car la vie même du jeune ménage en dépend, non seulement en sinterdisant toute
concession à la facilité, mais encore en mettant tout en oeuvre pour hausser le public
superficiel de Vienne à des hauteurs inaccoutumés ? Mozart a enfin loccasion
décrire, pour la scène, un opéra qui ressortit à un genre où il libre, le
Singspiel, et où il ne subit plus les lourdes contraintes de lopéra
seria. LEnlèvement
au sérail, opérette allemande, inaugure, le 16 juillet 1782, la série de ses
chefs-doeuvre lyriques.
A partir de 1782, Mozart passe par des crises successives qui deviendront de plus en plus
graves à mesure quil approche de la mort. Ces périodes où lethos se fait
angoissé et, par moments, tragique (1783, 1785, 1787, 1790), alternent avec de
merveilleuses accalmies (1784, 1786, 1788, 1791).
Aucun événement de sa vie privée ne saurait expliquer ces
"strangulations". Elles se comprennent, mais en partie seulement, par des
problèmes de technique musicale : la rencontre de nouvelles formes
d’écriture crée toujours chez lui une contraction de style qui ne peut se
détendre que lorsque les nouveautés ont été complètement assimilées : et,
par assimilation, on n’entend pas l’art d’adopter des procédés (ce qui
pour lui était un jeu d’enfant), mais le fait d’en arriver à parler de ses
langages à l’état naissant. Certes, après son retour de Paris, tous les
styles proprement contemporains lui étaient devenus familiers, et ce n’est
pas une des choses les moins stupéfiantes qu’un musicien doué d’une telle
mémoire ait pu rester foncièrement libre à l’égard de toute imitation.
Pourtant, il lui restait encore deux langages à découvrir et à faire siens
: l’un qui avait son assise dans le passé, l’autre qui s’ouvrait
audacieusement sur l’avenir. Le premier est la puissante structure baroque fugale, représenté
par Jean-Sébastien Bach ; le second, illustré par Joseph Haydn, surtout dans ses
quatuors à cordes, est le style thématique du type sonate, avec ce quil implique
de richesse harmonique, par lextension tonale, et de construction dialectique
orientée vers la forme cyclique. Cest en 1782 que Mozart découvre ces deux
langages antinomiques qui sont dailleurs l un et lautre peu compatibles
avec la mélodicité à laquelle son travail de synthèse la fait parvenir.
Cest donc à un nouveau travail de synthèse la fait parvenir. Cest donc
à un nouveau travail de synthèse quil va sadonner durant ses deux premières
années viennoises (1782-1783), synthèse dautant plus vaste et difficile
quelle doit englober tout ce quil a précédemment acquis. Ces découvertes,
il les a faites à point nommé : tôt, puisquil na que vingt-six ans ; tard,
puisquil na plus que neuf ans à vivre
Mozart-Bach ! Conjonction historique impressionnante, dautant plus quil
fallait alors du courage, et presque de laudace, pour remonter le cours du temps. En
effet, Jean-Sébastien, mort en 1750, était trente ans plus tard, non seulement méconnu,
mais inconnu. Ses partitions étaient introuvables, et cest par hasard quun
diplomate mélomane, le baron van Swieten, rapporta de la cour de Prusse des copies
manuscrites de quelques fugues du grand Cantor.
Mozart prend feu, sessaie à ce style périmé dont il est le seul alors à saisir
la puissance. Et, en mai 1783, cest la merveille, le chef-doeuvre de sa
musique religieuse : la Grande Messe en ut mineur (inachevée) K 427. Pendant le
même temps, il se concentre dans le travail ardu (comme il le déclare lui-même) de la
composition thématique. Son coup dessai est un coup de maître : en décembre 1782,
le quatuor à cordes K 387 inaugure la glorieuse série des six quatuors (les trois
derniers seront terminés en 1784-1785) quen hommage à Haydn il lui dédiera.
Celui-ci, les écoutant, dira à Léopold présent à lexécution : "Je
vous le dis devant Dieu, et en honnête homme, votre fils est le plus grand compositeur
que je connaisse, en personne ou de nom. Il a du goût et en outre, la plus grande science
de la composition" (février 1785).
Ces travaux de recherche, cest dans le retrait du laboratoire scientifique que
Mozart les mène ; aussi voyons-nous, à partir de 1782, ses compositions se scinder en
deux : les oeuvres de solitude, le plus souvent rétractées et même tragiques, et les
oeuvres destinées aux concerts où il évite de choquer et de brusquer le grand public.
Non quil fasse des concessions pour conquérir une audience dont il a tant besoin :
au contraire, avec autant de sûreté de main que de prudence, il introduira peu à peu
dans ses concertos et ses symphonies les découvertes audacieuses quil a faites dans
la solitude. Cela lui coûtera dailleurs, à partir de 1786, la désaffection
croissante du public viennois.
Le résultat de cette complexe élaboration se voit dans lexplosion magnifique des
six concertos pour piano de 1784, chefs-doeuvre qui seront suivis de six autres
jusquà la fin de 1786. Mais ce succès de 1784 est suivi dune année sombre,
la plus "romantique" de la vie du Maître (Concerto en ré mineur K 466,
les trois derniers quatuors à Haydn). Notons quen décembre 1784 Mozart est
initié à la franc-maçonnerie, et que les idées qu il brasse lui inspireront la
dramatique Ode funèbre K 477 (novembre 1785).
1786 : une année claire comme lavait été celle de ses vingt ans, mais avec,
maintenant, une aisance qui est le signe quil a réalisé la synthèse de tous ses
langages. Le style thématique en arrive à sépanouir dans la
mélodicité, comme
on peut le voir dans sa musique de chambre avec piano (les trios), dans les trois beaux
concertos pour le piano K 488, 491 et 503, et surtout dans Les
Noces de Figaro. Mozart a trouvé le genre théâtral qui lui convient le mieux,
lopera buffa, où la richesse et lintensité musicales vont de pair avec
lalacrité et la présence scéniques.
Nouvelle crise en 1787 : Mozart est gravement préoccupé par lidée de la mort,
surtout après le décès de son père. Cest lannée du Quintette en sol
mineur K 516 et du Don Giovanni, où se pose à cru le problème de la
rupture de lardeur de vivre et de linanité des passions.
Lannée 1788 est dominée par le massif symphonique aux trois cimes : la Mi bémol K
543, la Sol mineur K 550 et lultime : la Jupiter (K 551, du 10
août), qui est le testament symphonique du Maître. Mais, le plus étonnant, cest
que Mozart fait voisiner avec ces pièces monumentales des oeuvres légères, presque
galantes, comme la Sonate "facile" (K545) et les derniers trios.
Les dernières oeuvres (fin 1788-1791) : Isolement
A partir de lautomne 1788, Mozart entre dans une période de retrait ; mais sa
musique dintimité (pour cordes ou piano solo) a le plus souvent un caractère de
sérénité (Trio K 563, Sonate pour piano K 570). Au cours dun voyage
où il essaie dobtenir la faveur du roi de Prusse, il fait un pèlerinage
à la
Thomasschule de Leipzig, rendant un suprême hommage à Bach. Son écriture se resserre
encore (Sonate pour piano K 575 et derniers quatuors) et sépanouit
dans la concentration poétique du Quintette avec clarinette K 581. Tout cela
aboutit à loeuvre théâtrale la plus translucide de Mozart, le Cosi fan tutte,
comédie-proverbe dune profonde gravité sous son élégance frivole (Burgtheater,
Vienne, 26 janvier 1790).
Lannée 1790 est un véritable désert, aride et désespéré. Pourtant, en
décembre, le magnifique Quintette à cordes en ré majeur K 593 marque un
redressement total. La poésie décantée de lultime année sépanouit dans de
vastes compositions (le dernier Concerto pour piano K 595, le Concerto pour
clarinette K 622) et, dune façon plus concentrée encore, dans les
piécettes apparemment insignifiantes (lieds, adagio pour harmonica, cantiques
maçonniques). Deux mois avant sa mort, le succès semble enfin se dessiner avec La
Flûte enchantée, singspiel maçonnique où il récapitule pour la scène tous les
langages de sa carrière. Mais, en même temps quil achève cette oeuvre toute
pénétrée de son aspiration à la lumière, il commence son Requiem.
Loeuvre ne sera pas terminée : Mozart meurt le 5 décembre. Son corps sera enterré
dans la fosse commune.
"Je ne peux pas bien texpliquer mon impression, écrit-il
quatre mois avant sa mort (7 juillet 1791), cest une espèce de
vide qui me fait très mal, une certaine aspiration qui, nétant jamais satisfaite,
ne cesse jamais, dure toujours et croît de jour en jour. Même mon travail ne me charme
plus."
La Flûte enchantée est terminée le 30 septembre ; il lui reste à écrire son Requiem,
dont il sent quil le compose pour lui-même. Dès octobre - novembre, la santé de
Mozart décline et, à partir du 20 novembre, il reste alité. Dans l'après-midi du 3
décembre a lieu dans sa chambre une répétition du Requiem. Schack
racontera ensuite : "Comme ils arrivaient au premier verset du Lacrimosa,
Mozart eut soudain la certitude qu'il n'achèverait pas son oeuvre; il se mit à sangloter
et écarta la partition."
Puis Deiner, présent dans les dernières heure de vie du compositeur,
racontera: "A minuit, Mozart se dressa sur son lit, les yeux fixes,
puis il pencha la tête contre le mur et parut se rendormir." Son
coeur cessera de battre dans la nuit du 4 au 5 décembre 1791, peu avant une heure du
matin. Sur l'acte de décès est noté : " Fièvre militaire aiguë "
(cliquer pour plus de détail sur les controverses liée à sa mort)
Mozart mort ruiné ?
La situation financière de Mozart à la fin de sa vie a fait couler beaucoup
d'encre. Des esprits mal intentionnés accusèrent le caractère trop enfantin de Wolfgang
et son incompétence à gérer son foyer. Pour essayer d'y voir un peu plus clair, il est
important, déjà, de connaître la monnaie de l'époque, ainsi que les revenus de Wolfgang
(approximativement évalués) et le coût de la vie à Vienne.
La principale unité monétaire en circulation était à l'époque le Florin
d'argent. Un florin se décomposait en 60 Kreuzer lui même composé de 4 Pfenning.
Le Ducat était une pièce d'or valant environ 4 Florins. Le Thaler, lui,
valait environ 2 Florins, La Livre Sterling en valait 8 à 9, le Zecchino
vénitien à peu près 5 et le Louis d'or français valait environ 4 Florins. Mais la
difficulté réside dans le fait que 10 Florins viennois équivalaient environ à 12
Florins salzbourgeois.
Des que Mozart a cessé d'être attaché au service d'une cour (lors de son installation
à Vienne, il se mit à devoir gagner sa vie autrement. C'est pourquoi il prit des
élèves et organisa de nombreux concerts pour son propre bénéfice, ce qui lui rapporta
des revenus confortable avant que sa popularité ne commence à décliner (A Salzbourg,
Mozart recevait 450 Florins de traitement annuel). Les opéras aussi pouvaient être de
bonnes sources de revenus. Wolfgang parvenait donc à gagner sa vie et ses revenus tant
bien que mal évalués se situaient quelque part entre 2000 et 6000 Florins par an. Mais
il ne faut pas négliger de prendre en compte le coût de la vie et les divers frais
inhérents à la vie de musicien indépendant qu'il avait choisi de mener ! Les loyers à
Vienne s'élevaient à environ 500 - 700 Florins, l'achat d'un piano-forte lui
coûta 900
Florins, un habit d'homme 30 à 50 Florins, une robe de dame 100 Florins. La situation
exigeait de Mozart qu'il soigne particulièrement son apparence !
D'autre part, les rentrées d'argent étaient aléatoires et difficilement prévisibles ce
qui rendait la gestion du foyer malaisée (en témoignent les lettres de demande de
prêt qu'il adressa à certains de ses amis ). Cependant, on ne peut pas dire qu'au lendemain de
sa mort Wolfgang était ruiné; au pire il laissa une maigre dette bien vite remboursée.
Enfin, et là encore pour lever le voile sur une légende ayant la vie dure, Constance fut
et reste pour la plupart des biographes de Mozart (cf ci-dessous un extrait de la biographie
de Mozart par Einstein ), une femme tête en l'air, capricieuse, irréfléchie et
mauvaise gestionnaire. Si tel était le cas, comment expliquer qu'elle devint suffisamment
réfléchie et déploya tant d'énergie à la gestion des affaires par la suite? N'oublions
pas qu'elle réussit à obtenir une pension de l'état alors que Wolfgang n'avait pas été
suffisamment longtemps au service impérial !
Description peu flatteuse de Constanze par A. Einstein (1945)
"Elle n'était même pas une bonne ménagère ; elle n'était jamais
prévoyante, et, au lieu de faciliter la vie et le travail de son époux en lui assurant
un certain confort matériel, elle partageait inconsidérément son existence bohème
[...] Elle était tout à fait inculte et n'avait aucun sens des convenances."
On dit qu'aujourd'hui, si l'on calculait la fortune de Mozart (tout
au moins celle de sa descendance) le montant rapporté par l'utilisation de ses oeuvres
permettrait d'acheter l'Autriche toute entière ! Lui qui mourut quasiment sans public...
Comme c'est étrange aussi de constater qu'à la fin de sa vie le public boudait les
représentation de Mozart (ne pas négliger cependant le grand succès populaire de "La
flûte enchantée") alors qu'à peine quelques années après sa mort ses oeuvres
bénéficiaient d'un succès sans pareil. En témoigne cet article de 1794 des Teutschlands
Annalen des Jahres:
"En cette 1794e année, rien ne peut ni ne doit être joué ou
chanté, ni rien entendu avec approbation, si cela ne porte sur le front le nom tout
puissant et magique de Mozart. Opéras, symphonies, quatuors, trios, duos, pièces de
claviers, chants et même danses - tout doit être du Mozart pour pouvoir prétendre à
l'approbation générale. Les imprimeurs de musique, de leur côté n'ont pas manqué de
satisfaire à ces caprices dilettantes. Grâce au grand
art de l'arrangement nous possédons déjà La flûte magique de ce compositeur gravé et imprimé dans
toutes les formes sus-dites. Le ciel sait à quel point maints de ces essais ont pris un
tour aventureux, qu'ils devaient du reste prendre en raison de la nature de cette pièce.
Il suffit de dire que ce que l'on joue ou chante est de Mozart, et, qui plus est de sa Flûte
magique."
|